19 novembre 2024
Du 19 novembre au 8 décembre 2021, un consortium de médias a décidé de « massacrer» quotidiennement un chef d’État honoraire africain, celui-là même que certaines de ses composantes avaient vraisemblablement pour vocation de vilipender lorsqu’il était en fonction. Ce consortium, regroupant 19 médias et 5 ONG, était coordonné par le réseau « European Investigative Collaborations », un acronyme qui rappelle curieusement l’EIC (État Indépendant du Congo) de sinistre mémoire. On pourrait supposer que son management est dirigé par des puissances occultes n’ayant jamais voulu de l’indépendance effective de la RDC, leitmotiv permanent de leur cible désignée.
Pour «Public Eye», l’une de ces ONG, «C’est la plus grosse fuite de données du continent africain : l’enquête Congo Hold-Up révèle comment BGFIBank a servi à détourner des centaines de millions d’argent public et à piller les ressources naturelles de la République Démocratique du Congo, avec la complicité des réseaux d’affaires internationaux et des banques, notamment en Suisse.» Public Eye a publié une série d’articles, fruit de six mois d’enquêtes et d’une alliance inédite entre médias et ONG d’investigation. Trois ans après (2021-2024), il est légitime de se demander ce qui en reste, tant dans les cours et tribunaux que dans la mémoire collective. Rien ou presque ! Pschitt, aurait dit un ancien président français.
En effet, n’ayant trouvé rien de consistant à rattacher à Joseph Kabila Kabange pour étoffer son acte d’accusation, l’EIC s’est véritablement fourvoyée dans cette affaire. La preuve est qu’elle est toujours incapable de produire les preuves de l’implication réelle du chef d’État honoraire. Un comble pour une entreprise qui, selon ces auteurs, aurait compulsé 3.500.000 documents sur six mois entre investigations et rédaction. Cela représente une moyenne de 1.023 documents par média et par jour, soit encore 85,25 documents en 12 heures de travail non-stop. Elle n’aura fonctionné que pour ce dernier, allant jusqu’à utiliser un logiciel informatique tout sauf parfait.
Lors du déclenchement de la campagne médiatique le 19 novembre 2021, il a été reconnu que «Pour la première fois, une fuite de données permet de plonger dans les entrailles d’une banque. Un logiciel spécifique a dû extraire des documents et des informations sur les flux financiers… ». Ce qu’ils n’ont pas dit, c’est qu’un logiciel informatique ne peut être totalement fiable et peut faire l’objet de piratage. Des spécialistes dénombrent jusqu’à sept possibilités d’y parvenir : phishing, rançongiciel, logiciels malveillants, clé USB piégée, faux sites internet, vol de mot de passe et faux réseaux wifi, dans une opération qui n’est autre que de la cybercriminalité.
Trois ans après, l’EIC – qui terminait chacun de ses reportages papier par l’indication «Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse xxx»–n’a pas nourri ses investigations avec des éléments concrets liant ses trouvailles à Joseph Kabila, prouvant que la campagne a fait flop. D’ailleurs, les méthodes de travail de ce genre de conglomérat ont récemment connu un «hoquet» avec le désistement de Colette Braeckman, journaliste belge impliquée dans une aventure similaire. Elle a dénoncé les pratiques adoptées pour le montage du dossier, déclarant : «J’ai été impliquée dans une opération qui n’a rien de journalistique, qui s’appelle une conjuration».
On a voulu en finir avec Joseph Kabila après avoir raté successivement les occasions entre 2008 et 2011 à cause du contrat sino-congolais, en 2016 avec les Panama Papers, en 2018 aux élections financées pour la première fois sur fonds propres, qui ont mené à l’alternance historique du pays avec l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, en 2020 avec la liquidation sur commande de la coalition FCC-CACH, et en 2021 avec «Congo Hold-Up». Depuis, nous sommes plongés dans des théories complotistes.
Trois ans après, la vérité à admettre est que l’EIC voulait faire mal à Joseph Kabila. Pour avoir manqué cet objectif, plusieurs tireurs d’élite camouflés en correspondants de presse ou en activistes des ONG ont été écartés des médias et de leurs organisations, entraînés dans une affaire peu reluisante. Le peuple congolais, principal consommateur désigné de cette manœuvre médiatique, n’a heureusement pas cédé à ces cris d’orfraie et sait désormais, grâce au rétroviseur historique, faire un comparatif juste entre le passé et le présent.