Le phénomène "kuzu" à Kinshasa : le sexe au rabais et à la portée de tous, le signe d'une société sans repère. - Profondeur

Kuzu, le terme paraît dépourvu de sens pour les impies, il faut le contextualiser pour mieux décortiquer la signification de ce nominal qui fait allusion à tout un phénomène de société.

L’imagerie kinoise n’est encore arrivée à la fin de création et d’enrichissement des lexiques des accrocs au jargon.
Aujourd’hui plus que jadis, de nouveaux concepts naissent tel que mougou (rapport sexuel), une expression venue d’Abidjan est doux, empruntée et très utilisée à Kinshasa mboka elengi, une société kinoise sans cesse en mouvement.

En se mettant sous le registre de la kinoiserie, kuzu fait mention à toutes ces maisons de passe qui essaiement dans la ville avec la seule particularité de n’être connus que des seuls initiés.

Dans les quartiers de Kinshasa où la fréquentation des hôtels appropriés relève d’une prouesse pour des gagnes-petits, ceux-ci ont fini par trouver la parade. Les kuzus servent de déversoir pour noyer leur envie libidinale à peu de frais. Un client fidèle de ces lieux occultes relate après être interrogé par nos reporters :

” Avec un 3000 FC, je garanti toute une nuit avec ma partenaire”

Olivier ne fait pas mystère sur sa présence régulière à ces endroits licencieux. À kingabua, pakadjuma où il fréquente, il est souvent le premier à se pointer dès 22 heures devant un kuzu, situé sur le prolongement de la route poids- lourds. Flanqué de sa compagne d’un soir, Olivier n’a pas du mal à repérer le site dissimulé derrière les arbustes et mauvaises herbes. L’endroit n’inspire confiance. La présence aux alentours des déchets rajoute à la saleté sans pour autant dissuader des couples surexcités plutôt obsédés par l’envie d’y aller à fond la caisse. Juste à l’entrée, un gardien monte la garde.

Un assemblage des cartons, tôles usées et des reliquats des planches constituent la structure de ces cabanes où le sexe est roi. Le temps de glisser la monnaie à la sentinelle et le tour est joué. Aucune lumière n’est perceptible à l’intérieur de ces cadres où fourmillent de nombreux couples.

” Nous nous retrouvons souvent une vingtaines, chacun s’occupe de ses oignons.”

“Awa eza lokola ndaku ya nganga mutu n’a mutu n’a problème naye ” confie un autre kuziste

tout est fait dans le noir, difficile de dévisager votre voisin immédiat.

Les couples se plaisent pourtant dans ce décor inconfortable, difficile de jouer à l’hypocrite dans ces lieux où le principe est de laisser libre cours à ses fantasmes, même les plus imaginables. Même en plein ébat sexuel, les couples ont toujours l’oeil rivé sur les vêtements, ou mieux les dessous. Une main baladeuse peut toujours passer par là. On ne sait jamais. Une scène apocalyptique, sans doute qui dénote du degré de perversion qui gangrène Kinshasa.

Au quartier mompono, précisément dans la commune de kalamu, les kuzistes ne se comptent plus. Les shegués, ces enfants de la rue ayant coupé le cordon ombilical avec leurs familles biologiques, ont érigés des gîtes à l’aide d’agrégats de tout ce qui est récupérable. La prostitution y est aux antipodes de la décence la plus élémentaire.

Des clients ramenés vers ces kuzu s’en sortent souvent dépouillés de leurs biens matériels. Dans tous les quartiers ambiants de Kinshasa, le phénomène fait recette. Certains proprios des terrasses se sont mis au pas.

Derrière le visible se dissimule un autre monde, celui des inconditionnels du sexe qui n’ont pas besoin de confort pour faire leur récital. Les veilleurs de nuit, eux aussi ne sont pas en reste, toujours prêts à exploiter le moindre petit espace sous leur contrôle. Des couples en quête d’un lieu discret pour assouvir leurs bas instincts recourent souvent à leur service s’ils ne disposent pas de quoi payer une chambre d’hôtel. Les gens de petite vertu ne sont pas les seuls à fréquenter ces endroits malsains qui font aussi l’affaire des hommes apparemment respectables. ” Il n’y a point de sagesse en dessous de la culotte” dit un adage.

Face au danger d’affaissement de la morale publique et surtout, du spectre de l’extinction qui plane sur toute une génération, il est impérieux que l’autorité urbaine non sévisse non seulement pour détruire ces endroits de fortune, mais aussi et surtout pour démanteler tout le réseau qui opère dans ce business avilissant d’un autre âge.

Par Gramic