Contrat Sino-Congolais : l'IGF étale noir sur blanc dans son rapport, le bradage des ressources minières de la RDC. - Profondeur

L’Inspection Générale des Finances (IGF) a publié son rapport sur le contrat signé le 17 septembre 2007 entre la RDC et un groupement d’entreprises chinoises (GEC). La partie chinoise s’était engagée à construire 3500 km de routes, autant de kilomètres de chemins de fer, des infrastructures de voiries, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé. Le tout pour une valeur estimée à 6,5 milliards de dollars, selon l’entente. Grâce à ce programme, la Chine est devenue le premier destinataire des exportations minières congolaises. L’IGF a relevé plusieurs cas de déséquilibre dans cette entente qualifiée de contrat du siècle. Elle note par exemple ce qu’elle considère comme une «faiblesse criante et une modicité des investissements des infrastructures ». La SICOMINES, dit l’IGF, a mobilisé, en 14 ans, des financements d’un montant total de 4.471.588.685,14 USD et n’a consacré que 822.190.060,14 USD pour le financement des travaux d’infrastructures, soit 18,38% du financement total mobilisé.

L’IGF note paradoxalement «l’importance des décaissements effectués en faveur des entreprises chinoises en six ans. « En six ans, soit de 2016 à octobre 2022, SICOMINES a décaissé, à partir d’un de ses comptes à l’étranger, en l’occurrence le compte principal n°100001700001077 logé dans les livres de BANK OF CHINA DUBAI BRANCH, un montant total de 9.677.613.625,15 USD en faveur des entreprises chinoises et d’elle-même pour diverses raisons non étayées.

Il y a au départ la constitution de SICOMINES en 2008 qui serait faite en violation de l’article 1er de l’Arrêté Royal du 22 juin 1926. L’IGF conclut que le capital social est non proportionné à l’objet de la société et non indication des gisements miniers comme apport de la partie congolaise. « USD 100.000.000,00 fixés par le GEC étaient très insuffisants et donc disproportionnés à l’objet social».

L’IGF note aussi qu’aucune évaluation des gisements miniers apportés par la Gecamines S.A n’a été faite. Pour elle, il existe un défaut d’intégration de la valeur dans le capital social. Elle dénonce aussi le « caractère arbitraire, discriminatoire et illégal de la fixation ainsi que de la répartition du capital social à 100.000.000 USD à raison de 68% des parts pour le GEC et 32% pour le Groupe Gécamines.

«On a fixé ce capital à 100.000.000 USD (alors que SICOMINES détenait des actifs de 90.936.120.000 USD ) et on a décidé que les entreprises chinoises auraient 68% des parts contre 32% pour la partie congolaise. Les chinois apportaient 68 millions USD et prêtaient à la Gecamines S.A USD 32 millions qu’elle a, du reste, remboursés avec intérêts de 10.979.566,00 USD par des retenues sur ses dividendes. Pourtant, l’article 2 de la loi n° 77/027 précise que les personnes physiques ou morales étrangères ne peuvent pas détenir plus de 60% du capital social».

L’IGF rapporte aussi un important déséquilibre financier au détriment de la RDC entre les avantages octroyés à la partie chinoise et les engagements à sa charge ainsi que les gains attendus par la partie congolaise. « 90.936.120.000,00 USD aux chinois contre des engagements à leur charge de 6.2 milliards USD , soit un gain pour les chinois de USD 84.736.120.000,00 auquel devront s’ajouter les exonérations fiscales et douanières estimées provisoirement aux taux les plus faibles à 2.163.623.850,15 USD ».

L’IGF cite aussi d’importantes importations des biens en exonération totale sans évidence dans les états financiers, le dumping commercial pratiqué et manipulations des prix de transfert, de paiement sans production des contrats, et de plus, l’empiètement des gisements de la GECAMINES S.A par les installations de SICOMINES, le recours quasi systématique injustifié au préfinancement des exportations et la violation de la réglementation du change en RDC et du Règlement Minier, le défaut de rapatriement des recettes d’exportation et amendes de 5% dues par SICOMINES, etc. Ainsi, l’IGF propose au gouvernement d’opposer à la partie chinoise l’exception de la non-exécution du contrat.

Par Hervé Itoma

Directeur Général