Dans les rues de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, la débrouillardise est plus qu’une simple stratégie de survie : elle est devenue une véritable culture et un mode de vie. Avec une population dépassant les 17 millions d’habitants et un taux de chômage formel élevé, l’économie informelle joue un rôle central dans la vie quotidienne des Kinois.

La débrouillardise, pilier de la résilience urbaine

À Kinshasa, on dit souvent que « tout le monde est son propre patron ». Marchands ambulants, taximen, coiffeurs de rue, vendeurs de recharge téléphonique : la majorité des Kinois s’engagent dans des activités informelles pour subvenir à leurs besoins. Ce système repose sur l’ingéniosité et l’initiative personnelle, des valeurs profondément ancrées dans la mentalité locale. En l’absence de soutien structurel suffisant, ces activités improvisées témoignent de la capacité d’adaptation de la population.

Les « nganda » et les « malewa » : microéconomie locale

Les « nganda » (bars ou terrasses populaires) et les « malewa » (restaurants de rue) sont emblématiques de cette économie informelle. Ces espaces ne sont pas seulement des lieux de commerce, mais aussi des points de rencontre sociale où s’échangent informations, conseils et opportunités. Ce réseau d’entraide nourrit une solidarité communautaire qui pallie le manque de services publics.

Les défis d’un système informel

Malgré sa vitalité, l’économie informelle de Kinshasa présente des limites importantes. Les travailleurs du secteur informel sont souvent exclus de la sécurité sociale et des droits du travail. De plus, l’absence de réglementation expose ces entrepreneurs à des risques tels que l’extorsion par des agents corrompus ou les fermetures arbitraires de leurs activités par les autorités.

Par ailleurs, cette économie est fragile face aux crises. Pendant les confinements liés à la pandémie de COVID-19, de nombreuses familles dépendant de leurs revenus journaliers ont sombré dans la précarité, soulignant la nécessité d’un soutien institutionnel.

Vers une reconnaissance de l’informel

Pour que cette débrouillardise soit durable, il est crucial de créer des passerelles entre l’informel et le formel. Le gouvernement congolais, avec l’appui d’organisations internationales, pourrait mettre en place des programmes de microcrédit, des formations professionnelles, ou encore des mécanismes d’intégration sociale pour sécuriser ces activités. Par exemple, la régularisation des « wewa » (conducteurs de moto-taxis) à travers l’émission de licences a montré qu’une telle transition est possible.

La débrouillardise à Kinshasa illustre la capacité des habitants à transformer des défis en opportunités. Cependant, elle ne peut suffire à elle seule pour assurer un développement durable. L’enjeu pour la capitale congolaise est de valoriser cette énergie entrepreneuriale tout en bâtissant des structures de soutien solides, pour que la débrouillardise ne reste pas seulement un mode de survie, mais devienne un levier de prospérité collective.